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Mes Aphorismes

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Poésie

Textes extraits du recueil Quatre saisons de soi

Oeuvres déposées à la SACEM © Reproduction interdite sans autorisation

Émerveillement

Un jour, je me promenais dans le bois, à côté de chez moi et, vous me croirez si vous voulez, j'ai croisé un renard, assez grand, au pelage clair comme un coucher de lune. Manifestement, il avait l'air d'avoir envie de dire quelque chose d'important. Alors, je me suis assise sur une vieille souche crevassée,

à une dizaine de mètres devant lui et j'ai attendu... Au bout d'un long moment, il se mit à me fixer

de son regard sage et simple, et me dit ceci :

 

Que chacun de tes pas soit le premier pas de l'enfant qui s'émerveille.

Que chacune de tes paroles raconte le long chemin tacite de ton humble apprentissage.

Que chacun de tes regards reflète la lumière douce et vibrante de ton âme et contemple médusé

La fragilité indicible du coquelicot qu'il n'a su inventer.

Que chaque bouchée que tu manges soit un pain béni offert par la générosité du monde.

Que chaque perle d'eau qui contribue à ta vie te rappelle les sources inépuisables de l'amour,

De la tolérance et du pardon.

Que chacun de tes gestes dessine une cour d'accueil, décorée de marguerites simplement authentiques.

Que chacune de tes pensées participe à l'édifice unique construit pierre par pierre,

Par les êtres devenus indispensables.

Que chacun soit l'oasis intarissable de ses propres rêves, où renaît en souriant la joie de son prochain.

 

Ayant achevé ces mots, il m'adressa un sourire, tenace comme l'espoir et mystérieux comme le savoir.

Puis, il se détourna tranquillement et s'éloigna sans hâte, tandis que sa queue vaporeuse balayait nonchalamment les traces de son passage dans le sous-bois, oubliant les recoins de ma mémoire.

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Inventer

Je n'appartiens pas
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Je ne suis pas de votre monde.

Je marche dans le ciel et caresse les âmes.
Mon chemin est l'arc-en-ciel de vos chagrins

Que décorent mes rêves de paix.

Je n'appartiens pas à l'ombre

Et à  l'évidence

Et je ne suis pas de sang.

Mes lumières sont vos feux de joie

Et mon soleil est votre mystère.

Je n'appartiens pas au temps.

Je vis dans l'espace, entre les images.

Et l'image un instant se fait cage.

Et l'image se perd

Dans les barreaux de ses propres limites

Que troue ma liberté.

Je n'appartiens pas.

Je viens de cet ailleurs

Qui habille les rêves fragiles.

           Je viens… de demain !

Inventer une aube,

L’offrir au condamné livide,

Jour après jour.

 

Inventer une fleur,

La déposer sur des tombes vides,

Multipliée.

 

Inventer un mot,

L’inscrire sur son front,

Vrai comme ses pensées.

 

Inventer une caresse,

Recueillir les douleurs

Arrachées au malheur.

 

Inventer un ventre,

Rond comme l’abondance,

Le répandre sur le monde.

 

Inventer une justice,

Forte d’un plateau

Où tout devient égal.

 

Inventer un rêve inusable,

Petit comme la réalité,

L’enfouir dans son cartable.

 

Bannir l’oubli,

Choisir l’émotion vive

Des inventions du jour.

 

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Loin de la ‘dévorance’,

Je suis femme,

L'égale et la différence,

Le carrefour à l'horizon étrange

Qui se profile et s'éloigne,

La perspective infinie de chemins impossibles.

Je suis lionne aux griffes caressantes,

Sans collier et sans haine,

Qui prépare les sentiers de la biche

Et délaisse la chair vive.

Je suis biche

Qui apaise les feux de la lionne

Et contemple émue l'aube des cigognes.

Sans parallèle à ma route, j'avance,

Fidèle à mes doutes,

Frôle d'un regard éveillé

Les ornières sombres des loups.

S'éveillant aux pics atypiques

De mon âme insolite,

Les habitudes blafardes s'étirent,

Vaincues déjà par l'inégal combat

Qu'attise ma passion

Aux flancs de leur platitude.

Loin des terres faciles

J'engrange ma réserve indocile,

Dissocie l'évidence

En quartiers de lune

Qui échappent à la brume.

Les contours dansants

De mon ombre claire

Dévorent sans merci

Les rêves déçus

Gisant au détour des rues.

Une seule voie m'attire

Inéluctablement :

Celle de devant,

Où s'expose impudent

Mon devenir farouche,

En quête à jamais

D'un firmament rendu possible.

    Femme

Vieillesse mon amie,
Je ne voulais pas mourir
Sans prendre le temps de t'écrire.
Nous nous sommes si peu connues,
À peine au travers d'un rêve, au coin d'une rue.
T'apercevant égarée sur des berges fragiles,
J'ai tenté d'éviter ta beauté indocile,
Pesté contre l'hiver qui effeuillait ton allant fier.
Et pourtant, source fidèle, nuit après jour
Tu as chassé le fiel endeuillé d'une enfance isolée,
Où s'émeuvent en silence les attentes oubliées.
Ton regard patient a laissé mûrir
Ce feu latent qui allait m'embellir.
Vieillesse mon amie,
Je t'offre à m'en étourdir
Mes lys, mes sources et mes désirs,
Mes aubes frêles et nues
À regarder étonnée tes rêves ténus,
Comme sillage oublié d'un navire volatil.
Je t'offre à m'enlaidir, mes regrets imbéciles
Longtemps menottés par les chimères
Qui complotaient comme des civières ;
Et pourtant, courbes si belles,
Vous frissonnez, livides et rebelles
À l'assaut des faces émaciées
Où surgissent en un cri les espoirs effacés.
Ô vieillesse mon amie,
Ton vaisseau m'attend, fais-le ralentir !
Il faut avant que je sache vieillir.
Sur tes portées d'antan, entonnées en un jour,
Je viens déposer mes dièses gais en retour,
Et sur tes champs fertiles aux rides alentour
Viennent germer et fleurir mes graines d'amour.

Vieillesse mon amie

Avant j'étais indéfinie,

 Aujourd'hui, je me sens infinie...

Mon Enfant jamais né

Je t'écris aujourd'hui, comme chaque jour, pour te nourrir de mon amour

qui déborde, pour te parler de ta mère, car je sais que tu veux la connaître, mieux que tout autre, inlassablement.

 

Tu es mon enfant jamais né qui ne mourra jamais.

Tu as tous les âges, toutes les forces, tous les desseins, les hasards

et les vouloir. Tu m'as toujours comprise et soutenue, déjà quand tu étais petit. Tu perçois avec amour et finesse au-delà des murs entre les êtres.

Tu tiens de ton père l'amour absolu, l'espoir intemporel, la vie infinie.

 

Mon enfant jamais né, te serrer contre moi échappe à nos matières.

Tu ne t'éloignes jamais de moi contre mon gré, m’abandonnant pantelante

et désemparée, non jamais.

 

Tu es toujours là quand mon esprit t'appelle, avec ton sourire grave

et beau. Dans ton regard océanique s'apaisent mes tumultes.

Tu es homme, parfois femme. Homme, tu me protèges.

Femme, je t'enseigne l'amour, l'enfantement, même impossible.

Mon enfant jamais né, te souviens-tu quand nous t'avons cherché

ensemble un prénom ? Nous n'avons pu trouver de mot assez immense

pour te contenir, toi si multiple, caméléon de mon amour.
 

Avant de te quitter, je tiens à te remercier d'avoir comme toujours

rangé parfaitement tes affaires et la salle de bains.

Tu sais, notre vie sans habitudes, sans quotidien, nos phrases toujours nouvelles, m'enchantent comme au premier jour.

Maintenant il est tard. Nous devons laisser reposer nos rêves.

Mais je t'écrirai encore, comme chaque lendemain.

 

D'ici-là, tu me surprendras peut-être au coin d'une vitrine, d'une rue,

d'un jardin, comme tu le fais si souvent.

 

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Je souriais

Dans le bois songeur aux fêtes sauvages,
J'accrochais mon sourire aux troncs étirés par les âges.
Je souriais à l'invite des espaces libres,
Tendus comme des tremplins
Aux rebords de l'envie.
Je souriais aux possibles de demain,

Aux impossibles d'hier

Terrassés par mes chemins enragés.
Je souriais aux invisibles créatures
Qui me croisaient sans intention et par ignorance.
Je souriais à mes frayeurs fluctuantes,
En cet instant où je ne redoutais presque plus rien.
Comme l'enfant violé qui comprend enfin,
J'apprenais à m'appartenir,
Au-delà des apprentissages perdus.
Mes cordes vocales répondaient
Aux incohérences naturelles
Qui venaient caresser leurs partages.
Puzzle vivant inventé par un génie de la botanique,
Je me fragmentais et me reformais,
Telle une volée de pollen,
Au gré de mes aspirations printanières.
Un courant de vie irrépressible
Insufflait à mon être des certitudes inexplicables
Qui recréaient la joie.
Avais-je des pieds, des jambes, des reins,
Des mais et des mains, un dessein ou les deux ?
Qu'importait la matière en ce lieu
Qui échappait à la petitesse de la chair !
Mes contours me dépassaient outre mesure.
Et, sans le temps qui foudroie,
J'étais un être libre et vaporeux,
Illisible bien qu'éclairé d'évidence,
Indécent de nudité intérieure.
Cette nudité convenait à la pudeur du sous-bois,
Discrètement replié sur ses branches au bord du sommeil.
Je souriais aux arbres et à mon corps absent.
Qu'il était bon de vivre ainsi
Hors des limites du désir extérieur à mon âme !
Je souriais aux farces du jour prochain
Qui se joueraient de mon inépuisable candeur.
Et tout recommencerait.
Dans la fange noire qui obstrue l'espoir,
Je dénicherai alors un nouveau sourire
Pour me rappeler celui qui m'a vu vaincre,
Ici.
L'élan passionnel me reprendra
Comme une amante dévorante
Assoiffée de dons infinis et tendres.
Et je sourirai, encore.

©

Prairie Saint-Nicolas,

Chalon-sur-Saône

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